“ໂສກຊາຕາກັມຂອງເຈົ້າຊິວິດແຫ່ງພຮະຮາຊະອານາຈັກລາວ ເຈົ້າສີສວ່າງ ວັທນາ“- La tragédie du roi du Laos

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ໂສກຊາຕາກັມ ຂອງເຈົ້າຊີວິດລາວ ອົງສຸດທ້າຍຈາກປາຍປາກກາ ນັກຂຽນ ຟີລີບເປີ ເດີລອກເມີ
ວະຣະສານ “ອິສຕໍຣິອາ ສະບັບທີ ໔໙໗ – ປະຈຳເດືອນພຶສພາ ໑໙໘໘

“La tragédie du roi du Laos
Le destin tragique du dernier roi du Laos”
Par Philippe Delorme
Historia No 497 Mai 1988.

Il y a un peu plus de douze ans, les révolutionnaires victorieux proclamaient la république populaire et démocratique du Laos, abolissant ainsi une monarchie vieille de six siècles. Pour ménager les apparences, l’ex roi Savang Vathana reçut le titre de « conseiller suprême » ; mais bientôt il disparut avec sa famille. Jusqu’à ce qu’un étudiant, récemment échappé du « goulag » laotien, révélât au monde la fin fatale du dernier souverain du royaume « au Millions d’Eléphants ».

Blotti entre ses grands voisins indochinois, le Laos a toujours été un lieu de rencontre, un carrefour de populations. A l’arrivée des Khmers, puis des Thaïs, les plus anciens habitants, surnommés Kha – « sauvages » – par les vainqueurs, ont été refoulés vers les zones déshéritées des montagnes. Les Laos, d’origine thaïe, et qui ont donné leur nom au pays, fondèrent une principauté sur la rive gauche du Mékong, avec pour capitale Xieng-Thong, la future LouangPrabang, Un de ses princes, Fa Ngum, allié au roi d’Angkor, réussit à réunir sous son sceptre les autres tribus laos ; nous sommes en 1353, le LaneXang, ou royaume du Millions d’Eléphants, était né.

Telle est donc l’origine glorieuse de la dynastie laotienne. Certes, au cours des siècles, l’autorité du roi connut souvent des défaillances. Le morcellement géographique, les affrontements ethniques, mais aussi les interventions extérieurs favorisèrent l’éclatement politique du royaume. Au XVI è siècle, Setthathirath transféra sa capitale à Vientiane, mieux située au centre de ses Etats. A sa mort s’ouvrit une période de troubles qui favorisèrent l’émancipation des provinces soumises. Après une tentative de renaissance sous Suriya Vongsa ( 1637-1694 ), le Lane Xang s’enfonça durablement dans les divisions et les luttes intestins.

En novembre 1641, le Hollandais Gerrit Van Wusthof était le premier Européen à pénétrer au Laos. Ballottés entre le Siam et le Vietnam, les principautés laotiennes connurent deux siècle de décadence. Pour prix de leurs combats fratricides, les roitelets de Vientiane, de Louang-Prabang, de XiengKhouang et de Bassac virent leurs terres placées sous la souveraineté de Bangkok ou de Hué, leurs cités livrées au pillage, leurs sujets déportés ou massacrés.

Amorce d’un sentiment national

Vers le milieu de XIX è siècle, des bandes de brigands chinois déferlèrent sur le Laos, Les Siamois trouvèrent là un excellent prétexte pour pousser leur avantage, mais le Vietnam demanda alors à la France , avec laquelle il venait de signer un traité, de défendre ses droits. En février 1887, Auguste Pavie était vice consul à Louang-Prabang ; en peu d’années, les troupes françaises occupaient le pays et lui imposaient leur protectorat. En fait, hormis le royaume de Louang-Prabang, qui bénéficiait d’un statut spécial, le territoire laotien fût placé sous l’autorité des résidents français et intégré à la fédération indochinoise.
Les potentats locaux dépossédés de tout pouvoir réel, le prestige du roi de Louang-Prabang s ‘en trouva rehaussé, tandis qu’une amorce de sentiment national pouvait naître dans la paix retrouvée. La mise en valeur coloniale s’avéra difficile ; d’accès malaisé, sans grandes ressources naturelles, le Laos demeurait le parent pauvre de l’Indochine, lorsque la défaite de la France en 1940 affaiblit la position de celle ci en Asie orientale. Le Siam – Rebaptisé Thailande – manifesta des visées annexionnistes et contraignit le gouvernement de Vichy à lui céder deux provinces laotiennes. Sous l’impulsion de l’amiral Jean Decoux, un mouvement nationaliste lao vit le jour, animé par la jeune intellectuelle.
Le 8 Avril 1945, cédant à la pression des japonais, le roi Savang Vong proclamait l’indépendance de son royaume. Après la capitulation nipponne, le premier ministre, le prince Phetsarath mit à profil la faiblesse de la France pour réaffirmer l’indépendance et annoncer l’unification du Laos, malgré l’opposition du roi. Le retour en force des français provoqua la chute du gouvernement Phetsarath, réfugié à Bangkok, et aboutit à un accord avec Savang Vong : le Laos unifié se vit octroyer l’autonomie interne au sein de l’union française. Le 11 mai 1947, une constitution était adoptée, qui faisait du royaume du Million d’Eléphants, une monarchie parlementaire sur le modèle occidental. En fait, l’aristocratie lao conservait beaucoup de privilèges, et nombre de problèmes n’étaient pas résolus.

Luttes fratricides

Chez les exilés de Bangkok, des divergences ne tardèrent pas à éclater, Le prince Souphanouvong gagna le camp de Hô Chi Minh et des communistes vietnamiens en guerre contre la France. En revanche, son demi-frère Souvanna Phouma retourna à Vientiane après que le Laos se soit vu reconnaître « l’indépendance-association » ; et il devint, dès novembre 1951, premier ministre d’un cabinet d’union.

Une fois encore, le royaume était entraîné dans un conflit dont les enjeux le dépassaient, pion secondaire dans la tragique partie d’échec que les grandes puissances jouèrent en Indochine. Maître de larges secteurs du pays, au sud et au nord est, le « Front Uni du Laos Libre» du « prince rouge » Souphanouvong reconstitua un gouvernement provisoire marxiste Pathet Lao. La guerre civile menaçait d’embrasser tout le Laos. La conférence de Genève de juillet 1954 sembla apporter l’apaisement : un cessez le feu serait conclu et l’URSS ainsi que ses alliés consentiraient à reconnaître l’autorité royale, à condition que le Laos soit neutralisé et qu ‘une réconciliation nationale intervienne. Mais les américains, qui avaient déjà pris la relais de la France , ne pouvait accepter ce qui leur semblait, en pleine guerre froide, une dangereuse reculade. Malgré l’obstruction des partis de droite, les neutralistes conduits par Souvanna Phouma finirent par mettre sur pied un gouvernement de coalition avec Souphanouvong. Au début de 1958, après bien des douleurs, le royaume du Million d‘Eléphants allait il entrer enfin dans une période de renouveau, à l’abri des rivalités des deux blocs ?

Hélas, l’illusion ne dure guère… l’aide américaine profitait à une fraction influence de la population, essentiellement urbaine, et qui ne pouvait envisager de la perdre. D’autre part, Washington craignait de voir Vientiane rejoindre le camp de Hanoi et de Pékin. Le 1er novembre 1959, l’avènement du roi Savang Vatthana, réputé pro-américain, suivit, d’un peu plus d’une année, le retour au pouvoir « des droitistes ».

Un roi, symbole sacré et prince moderne

Mais qui était le nouveau Chao Phène Dinh – « Maître de la terre » ? En quoi consistait son rôle au cœur d’un royaume déchiré ? Légalement, le roi règne, mais ne gouverne pas. La constitution de 1947 limite singulièrement ses prérogatives. Jadis monarque absolu, il doit désormais soumettre le choix de ses ministres au vote de confiance du Parlement. Savang Vong s’était défini lui même comme un souverain constitutionnel, puisant sa légitimité et sa raison d’être dans l’histoire nationale. Le roi, en effet, incarne la continuité de l’Etat. Aux yeux des paysans teintés encore d’animisme, il reste le maître des esprits. Mi-homme, mi-dieu, il est par nature invulnérable, symbole sacré de la religion bouddhique et fédérateur des diverses ethnies du pays, dont chacun des individus lui doit serment d’allégeance. En 1960, encore, le roi est un être mystérieux, inaccessible, devant lequel on se prosterne.

Pourtant, Savang Vatthana est aussi un prince moderne, libéral, qui fera preuve d’une rare énergie et d’une grande perspicacité à l’intérieur des limites qui lui sont imparties. Né à Louang-Prabang le 13 novembre 1907, il a fait ses études à Paris où il obtint une licence en droit. Savang Vatthana s’est déjà frotté aux affaires puisqu’il représenta son père, en 1947 puis en 1951, aux conférences de l’après guerre. Son nom signifie d’ailleurs « Glorieux Progrès » : un véritable programme d’action ! Seconde facette du personnage, le roi est un homme profondément pieux, d’une réelle bonté naturelle.

Il s ‘attachera, durant son règne, à la restauration des monastères et des pagodes, et continuera de se passionner pour les disputes théologiques. La vie de sa cour est simple et digne, comme l’est sa vie privée.

Cependant, les coups d’état militaires se succédaient, Après bien des péripéties, l’espoir parut renaître avec un nouvel accord de Genève, en 1962. Mais très vite, le royaume retombe dans le chaos. Les américains s’emparent de tous les leviers de commande dans la zone gouvernementale, alors que le « Front patriotique », communiste contrôle 50% du territoire et soutient activement la lutte du Vietnam du Nord. Pendant dix ans, le Laos n’est plus que la base arrière de la guerre que les Etats Unis mènent contre son voisin. Le désengagement américain allait replacer les Laotiens face à eux même, et les conduire à renégocier.

Souvanna Phouma, chef de file des neutralistes, n’avait d’ailleurs jamais renoncé à se réconcilier avec son « frère ennemi » Souphanouvong. Ce fut chose faite le 5 Avril 1974, par la formation d’un « gouvernement provisoire d’union nationale ». Une fois de plus, il allait s’agir d’un marché de dupes, mais ce fut au tour de communistes de le remporter.

Les comités révolutionnaires sapent la monarchie

En 1975, l’équilibre régional bascule, avec la chute de Saigon. C’est alors que des comités révolutionnaires fleurissent à Vientiane et dans les autres villes du Laos. En mai, une manifestation d’étudiants encercle le palais royal de Louang-Prabang et interdit au souverain de se rendre aux fêtes de la Constitution. Rien de spontané dans tout cela ; en sous main, le Parti populaire révolutionnaire lao tire les ficelles et prépare une prise du pouvoir facilitée par la débâche américaine. Le 29 novembre, Souvanna Phouma et Souphanouvong démissionnent ; devant le palais, une foule immense se masse. Au départ, elle ne fait montrer d’aucun sentiment antimonarchique ; elle semble au contraire affirmer sa confiance envers la couronne. Il y a comme un frottement que des agitateurs Pathet lao mettent aussitôt à profit : « A bas la monarchie ! », les cris fusent de toutes parts.

Savang Vatthana comprend très vite que tout espoir serait vain ; il abdique immédiatement. Dix jours plus tard, un « Congrès des élus », réuni près de Vientiane, proclamera la République démocratique populaire, dont le président n’est autre que… le prince Souphanouvong ! Raffinement d’une dialectique typiquement orientale : le citoyen-prince Savang Vatthana est nommé conseiller suprême de Son Altesse le Président ! En réalité, le vrai chef de la dictature naissante est le premier ministre, Kaysone Phomvihane, secrétaire général du PPRL. ( Parti Populaire Révolution Lao ).

Le nouveau régime se heurte d’emblée à une avalanche de problèmes. L’économie, fondée sur l’aide occidentale, est totalement désorganisée. Le strict contrôle de l’état, les nationalisations, les confiscations ne suffisent pas à surmonter le marasme et l’amplifient au contraire. Dans le même temps, les arrestations se multiplient, les opposants sont envoyés en camps de « rééducation » dans les provinces les plus misérables du pays, celles que tenaient autrefois le Pathet Lao…

Pour beaucoup, le seul salut est dans la fuite : 20000 personnes émigrent en 1976, 18000 en 1977, 50000 au moins l’année suivante…. Face à cette dégradation de la situation intérieur, à la montée du mécontentement et aux risques de complot, les communistes jugent plus sage de faire disparaître de devant de la scène l’ex-roi et sa famille, assignés jusque-là à résidence en leur palais de Louang-Prabang.
Longtemps, le sort de Savang Vatthana, et prince héritier Say Vongsavang, et de la reine Khamphoui, a été l’objet de rumeurs contradictoires. La famille royale se porte bien et vit dans une villa entouré d’un petit jardin, affirmait un officier laotien, il fallait attendre 1987 pour que la vérité soit révélée, cruelle. En fait de villa et de jardin, le roi avait été détenu dans une baraque d’internement et contraint – à 70 ans, de cultiver un champs de riz, huit heures par jour et six jours par semaine. Victimes de ces mauvais traitements, Savang Vatthana ainsi que son épouse et son fils étaient morts depuis plusieurs années…

Ces révélations, on les doit à un étudiant qui, après onze années de camps, est parvenu à se réfugier en Thailande. Par peux des représailles, c’est sous le pseudonyme de « ThongPhoune » – le Dupont laotien qu’il a raconté ses aventures au quotidien Bangkok Poste, en Décembre 1987. Absolument digne de foi, car corroboré par d’autres témoignages, le récit de ThongPhoune résonne comme le Requiem de cette vénérable dynastie qui, depuis le XIX è siècle, régnait sur l’empire de Lane Xang.

Le 11 Mars 1977, la famille royale voyait la première étape de son calvaire prendre fin : à une garde à vue, relativement bienveillante, succédait l’arrestation pure et simple et la déportation. Le roi, la reine et le prince héritier furent acheminés jusqu’à Viengsay, une ville où les communistes avaient, de longue date, l’habitude de regrouper les opposants politiques. Mais les véritables camps de prisonniers étaient et sont toujours –ailleurs, vers l’extrême nord-est, dans la province reculée de HouaPhanh, fief historique du Pathet lao. Une population miséreuse et clairsemée, des forêts, de grandes distances : autant d’éléments rendant les évasions particulièrement difficiles.

Le Camp No 1

Au cœur de ce « goulag » laotien, s ‘élève le sinistre « Camp No 1 ». Ainsi appelle-t-on simplement le périmètre pénitentiaire délimité par une haute clôture de bois dont la construction fut achevée vers le milieu de l’année 1974, grâce au travail des détenus. Le Camp No 1 est situé à 72 kilomètres de SamNeua, la capitale régionale, en direction du Vietnam, à proximité du bourg de Sop Hao, qui fut une base militaire française. En guise de fil de fer barbelé, des bambous aiguillés et entrelacés sont là pour décourager toute tentative d’évasion.

A Viengsay, Savang Vatthana et sa famille sont logés dans le meilleur hôtel de la ville, Afin de rassurer l’opinion internationale, on explique que les ennemis de l’ex-souverain voulaient l’assassiner et que c’est pour son bien qu’on l’a déplacé. Trois mois plus tard, la famille royale conduite à SamNeua rejoignait les prisonniers du Camp No 1…

La reine KhamPhoui fut séparée des deux hommes et placée dans le quartier des femmes. Les communistes du Pathet lao imposaient en effet une stricte séparation des sexes ; dans le camp, le seul fait de lever les yeux sur une jeune femme équivalait à la privation de nourriture de trois jours ou une punition pire encore. En Septembre 1977, les représentants de la dynastie du LaneXang étaient détenus des détenus comme les autres : Toute personne arrêtée par le peuple et la Nation est relevée de ses droits de citoyen, disait la première des 17 règles du Camp ; Ainsi Savang Vatthana, son épouse et le prince Say Vongsavang avaient cessé d’exister légalement, comme ThongPhoune et des milliers de leurs concitoyens, souvent dignitaires de l’ancien régime.

A son arrivée au camp, Savang Vatthana avait 69 ans. On lui attribua une baraque pour lui et son fils, et trois aides pour leur cuire leur portion de « riz à rats ». Car le roi ne bénéficia d’aucun traitement de faveur et fut astreint, comme les autres prisonniers, au même labeur et au même régime de famine : deux bols de riz moisi et grouillant de vermine, chaque jour.

Habitué à une existence normale, et déjà âgé, le monarque déchu flancha rapidement, et sa santé se détériora au point qu’il ne put travailler. Le règle No 9 était claire : considéré comme valide, Savang Vatthana ne travaillant pas, ne recevrait plus aucune nourriture…

Le prince Say Vongsavang, très proche de son père, insista pour partager avec lui sa propre ration alimentaire. Le roi protesta, mais son fils fit manger le vieil homme de force. Le 2 novembre 1978, le prince héritier mourait, victime de son dévouement filial, incapable de survivre avec ce qui lui restait chaque jour, de riz et de sel. S’estimant responsable de ce sacrifice, Savang Vatthana décida de renoncer à la vie. Le 13 Mai, le roi s’allongea sur son lit. « je vais dormir », dit il à ses trois serviteurs. Et il ajouta dans son souffle ultime : « Je donne toute mon âme, mon sang et mon corps au sol fertile et à la beauté du Laos, et pour le bien-être de tout le peuple laotien. » Il s’assoupit à peine ; tout était fini.

Quelques heures après la mort du roi, les trois cuisiniers creusèrent un trou sous la menace de soldats, et y jetèrent la dépouille, sans cercueil, ni cérémonie, comme ils l’avaient fait pour le prince. Les cuisiniers pleurèrent ; les gardiens étaient pressés de rentrer au camp pour le repas du soir. Les corps reposent au pied d’un kok Leuang (arbre jaune ), à 100 mètres au nord du Camp No 1, au bord du petit ruisseau appelé Houy Nor Kok, sur les cartes détaillées de la région. Le roi est au nord du majestueux arbre ; Say Vongsavang est inhumé au sud, près du dernier chef d’état major de l’armée royale laotienne, le général BounPone Makthepharak. Aucune de ces tombes n’est signalée.

La reine des prisonniers s’éteint à son tour

La Reine KhamPhoui , bienqu’elle ne fût pas autorisée à assister à leurs rapides obsèques, sut que son mari et son fils avaient succombé. Lorsque ThongPhoune l’aperçut, deux ans plus tard, il ne reconnut pas tout d’abord l’épouse du roi dans cette ombre décharnée, aux cheveux gris, aux yeux éteints : La Reine du Laos était devenue la reine des prisonniers…

Les communistes ne la forcèrent pas à travailler, et elle se soutenait en fumant et en mâchant des feuilles de bétel, aux vertus narcotiques. Sa dernière épreuve arriva quand ses geôliers supprimèrent ses cigarettes ; elle s’éteint le 12 Décembre 1981. Le lieu de sa sépulture, à un kilomètre de celle du roi, est également anonyme.

Pour ThongPhoune, enfermé dans le camp No 1 depuis 1975, et qui fut témoin de tous ces drames, les mois passèrent et les années, monotones, dans leur horreur et leur désespérance. De « rééducation » idéologique, pas la moindre trace puisque tout écrit était formellement prohibé dans le camp ; rien que des tâches harassantes, des sévices imprévisibles, et du riz juste de quoi à vivre. Une occasion de s’évader s’offre pourtant à ThongPhoune, à la mi-juillet 1986. l’Etat a besoin de bras pour construire le barrage près de la ville de SamNeua ; ThongPhoune fit partie des 50 prisonniers réquisitionnés pour ce projet.

La discipline était moins stricte sur le chantier, et ThongPhoune put envoyer, clandestinement, un télégramme à sa femme qui, depuis son arrestation , n’avait eu aucune nouvelle de lui. Un vieil ami de ThongPhoune, qui est routier, allait trouver la solution ; muni d’une fausse carte d’identité, il se rendit à SamNeua et « enleva » le prisonnier, au nez et à la barbe de ses surveillants. Quelques jours plus tard, le fugitif traversait le Mékong et se trouvait en Thailande. Dans la nuit sombre, Mengly, son épouse, le suivit.

Aujourd’hui, ThongPhoune est dans un camps de réfugiés. Et comme, contrairement aux allégations mensongères de ses tortionnaires, l’ancien étudiant n’a aucun lien particulier avec les Etats Unis, il lui sera sans doute malaisé de trouver une terre d’asile.

Cependant, ne serait-ce pas la moindre récompense que mériterait, au terme de dix ans, onze mois et dix huit jours d’effroyables épreuves, celui qui a résolu l’énigme la plus mystérieuse de l’Indochine rouge, en osant prononcer ces quelques mots : « Mon roi est mort » ?

Philippe Delorme-Historia Mai 1988

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